Bonjour Didier, pourrais-tu te présenter
à nos lecteurs et quel est ton parcours initial ? Hé
bien, je suis Belge (Bruxellois) et j’ai 34 ans. Je suis économiste
de formation et scénariste « auto-didacte ». Ecrire des histoires
a toujours été une passion mais c’est quelque chose que j’ai
toujours fait plutôt en dilettante, jusqu’il y a environ 5 ans. A
ce moment là, je me suis dit que si je n’essayais pas sérieusement
de réaliser quelque chose dans ce domaine, ça risquait de me «
hanter » le reste de mes jours. Je me suis donc mis au boulot plus
sérieusement et j’ai monté un premier dossier. Cela a abouti
à quelques histoires courtes publiées dans Spirou (il y en a 2 sur
ma page personnelle sur le site http://www.bdamateur.com ), et puis de fil en
aiguille à « Pandora Box », ma toute première série.
Aujourd’hui je partage mon temps entre un boulot d’économiste,
mon activité de scénariste, et ma petite famille. Ca me fait des
journées bien remplies ;-).
Je crois que tu as commencé
ta carrière de scénariste en remportant un concours organisé
par le journal de Spirou ? Oui et non. J’ai effectivement
remporté un concours de scénario organisé par Spirou et mon
histoire (d’une planche) a été illustrée et est parue
dans le magazine en 1995, mais cela n’a pas débouché sur quoi
que ce soit à l’époque. Comme je venais de commencer à
travailler comme économiste, je n’avais plus vraiment la tête
aux scénarios. Mais ceci dit le fait de voir son scénario illustré
et publié a vraiment été très agréable, et
m’a quand même motivé… Mais cette motivation a mis du
temps à s’imposer car ce n’est qu’en 2000 que je m’y
suis sérieusement mis.
Comme beaucoup de scénaristes,
je suppose que tu as dû envoyer quelques histoires à des auteurs
confirmés ? En fait, non. Je n’ai jamais envoyé
mes histoires que chez des éditeurs. 
Quand tu as commencé à
t'intéresser à la BD, quels ont étés les albums ou
les auteurs qui ont déclenché en toi le déclic ?
Il y a plusieurs périodes ! Quand j’étais tout petit, j’ai
quasiment appris à lire dans « Spirou » que mes parents achetaient
chaque semaine. Je l’attendais avec impatience et même si je ne savais
pas lire, je dévorais quand même les histoires rien qu’en regardant
les images. S’il y a un album que je citerais, c’est le deuxième
album de Papyrus, « le maître des 3 portes » (de De Gieter)
qui est vraiment un très grand souvenir. Une cité souterraine, un
dragon à 3 têtes, un onyx qui se transforme en jeune (et belle…)
femme, des hommes avec des armures d’or… J’ai adoré
cette histoire et je pense que c’est elle qui a déclenché
mon goût pour le fantastique et la mythologie. J’aimais bien aussi
« le scrameustache », et les grands classiques de la BD franco belges
(Tintin, Gaston,…) Durant mon enfance, quelques films m’ont
marqué : « Jason et les Argonautes », « Le choc des Titans
», « Dark Crystal », bref que du fantastique et de la mythologie
! Ensuite quand j’étais adolescent, je suis devenu fan de Thorgal
(encore de la mythologie…) et des albums de Jean Van Hamme en général
(XIII, histoire sans héros, le grand pouvoir du schninkel,…). D’autres
albums / séries qui m’ont marqué à cette époque
: Les passagers du Vent (Bourgeon), Ballade au bout du monde (scénario
de Makyo), Les 7 vies de l’épervier (scénario de Cothias)
etc… Durant mon adolescence, j’ai également vu énormément
de films qui m’ont marqué. Il y a un peu de tout : Elephant Man,
Amadeus, Furyo, l’Exorciste… Des films assez sombres finalement.
Pour en revenir aux BD, ce n’est que récemment que j’ai découvert
d’autres choses que la BD franco-belge : les mangas et les comics. Il y
a vraiment d’excellentes choses là dedans… Alan Moore me fascine
! Watchmen, V pour Vendetta, From Hell sont vraiment des œuvres impressionnantes
! Au niveau Manga, je suis épaté par « Say Hello to Black
Jack » par exemple, une série ultra-réaliste sur le monde
médical, très émouvante.
Je suppose que tu as également
écrit des histoires autres que pour la BD ? Quelques nouvelles
quand j’étais jeune, mais pas énormément. J’ai
également écrit un scénario de jeu de rôles, pour «
l’appel de Cthulhu » (dont je suis fan), qui a été publié
dans un fanzine. Il s’agit de « écran de fumée »,
plus d’infos sur http://chrysopee.net/.
Pour en revenir à ta série phare, peux-tu
nous en dire plus sur le mythe de "Pandore" pour mieux éclairer
nos lecteurs et quels sont les liens avec ta série "Pandora Box"
? Selon la mythologie grecque, Pandore était la première
femme de l’humanité. Zeus, le roi des Dieux, lui offrit un coffret
doré en lui disant de ne pas l’ouvrir si elle voulait vivre heureuse.
Mais la curiosité fut trop forte, et Pandore ouvrit la boîte…
Tous les maux de l’humanité qui étaient enfermés dans
la boîte s’échappèrent et se répandirent sur
terre. Pandore persuada alors l’Espérance de sortir elle aussi de
la boîte et d’aller consoler le monde… Pour symboliser
les maux de la boîte, j’ai utilisé les 7 péchés
capitaux qui, selon la tradition chrétienne, sont ceux qui sont à
l’origine de tous les autres. Ils donnent leurs titres aux 7 premiers albums.
Vient finalement en dernier « L’espérance », sortie en
dernier de la boîte. Donc chacun des 7 premiers tomes parle
d’un des 7 péchés capitaux, que j’associe à une
technologie (ultra) moderne, et à un mythe grec. Je voulais en effet transposer
certains mythes dans le monde d’aujourd’hui et de demain. Chaque histoire
est donc très librement inspirée d’un mythe classique (Narcisse,
Orphée,…) et aborde une technologie très moderne, puisque
le mythe de la boîte de Pandore peut être vu également comme
un avertissement sur les dangers des travers de la science. Mais
je ne voulais faire ni un cours de mythologie, ni un cours de sciences, et encore
moins un cours de morale, donc j’ai surtout essayé de faire des histoires
qui soient les plus passionnantes possibles. Le concept est donc en « arrière-plan
» si je puis dire. Mon but, c’est que le lecteur aie une double lecture
: qu’il apprécie d’abord les histoires en tant que telle, et
qu’ensuite il essaie de voir tout ce qu’il y a derrière ...
Je
me mets à la place du directeur de la collection, qui te voit débarquer
de nulle part (j'ai un peu raison, même si tu as publié quelques
courts récits) débarquer avec le projet "Pandora Box"
! Quels ont été les arguments pour l'accrocher. Que s'est-il dit
pendant cet entretien ? On veut tout savoir ! Comme le rédacteur
en chef de Spirou appréciait mes histoires courtes, il m'a demandé
si je n'avais pas un truc plus "gros". Et justement, entretemps j'avais
commencé à développer ce projet de série « PANDORA
BOX ». Je lui en ai donc parlé et il trouvait ça pas mal,
mais trop "adulte" pour Spirou. Il m'a donc fait rencontrer le directeur
de collection pour Aire Libre, Repérages et le tout nouveau Empreinte(s).
Je crois que ce qui lui a plu, c’est que je venais avec un concept assez
élaboré mais qu’en même temps j’avais une histoire
(la première qui était déjà bien développée)
qui tenait bien la route et qui avait un certain côté « grand
public ». L’idée de transposer des mythes grecs dans
un tout autre contexte l’a également attiré. Et j’ai
également eu le petit coup de chance de tomber juste au moment où
ils lançaient leur nouvelle collection, « Empreinte(s) » dans
laquelle ce projet pouvait parfaitement s’inscrire.
Combien de temps ont duré les négociations, de la présentation
de la série à la signature ? J’ai parlé
pour la première fois de ce projet à Dupuis en décembre 2001,
puis un peu plus en détail en mars 2002. A l’époque mon dossier
de présentation était assez court et austère ; 2 pages de
présentation du concept et deux pages de synopsis pour le premier album.
Mais en même temps c’était quelque chose qui avait déjà
bien mûri car mes premières réflexions sur ce projet dataient
d’août 2000. Dans un premier temps j’ai du développer
le synopsis du premier album. J'ai travaillé comme un boeuf et le synopsis
est passé de deux à seize pages. Ils l’ont lu et l’ont
trouvé très bien. Là, on était en juin 2002. Finalement,
après en avoir parlé également avec le Directeur Editorial,
il est devenu clair que Dupuis avait un intérêt marqué pour
le projet, mais je ne voyais toujours pas le contrat arriver. En effet, la deuxième
étape a consisté à développer le dossier de présentation,
afin de montrer que le concept ne tenait pas que sur un album mais que j’avais
au moins des idées qui me permettraient de remplir 8 albums. Le but de
ce développement était aussi de pouvoir « appâter »
des dessinateurs potentiels, vu qu’à ce moment là je n’avais
toujours pas de dessinateur ! Là j’ai commencé à
flipper parce que j’ai travaillé comme un dingue pour pasun rond
et en risquant toujours que Dupuis dise « désolé, mais on
ne le prend pas finalement ». Heureusement ça n’a pas
été le cas, et environ en septembre 2002, on a commencé à
parler « contrat », et on l’a signé en octobre 2002 finalement.
Il est très dur d'arriver
à émouvoir un lecteur à partir d'une BD. J'ai été
très touché par le premier tome. Penses-tu qu'avec son thème,
seuls ceux qui sont pères seront touchés ou d'autres peuvent l'être
comme moi ? Je suis très content de cette question car
au-delà du thriller, l’histoire du tome 1 parle effectivement de
« devenir père », et deux personnages le deviennent d’une
certaine façon dans cet album (le Président et son chauffeur).
Je pense (j’espère) que l’histoire peut cependant intéresser
tout le monde, par l’aspect thriller, élections présidentielles
etc, mais effectivement les parents de jeunes enfants seront sans doute plus sensibles
à la fin de l’histoire. Il faut noter que les relations
père-fils (ou parent-enfant) reviennent dans quasiment chaque album de
la série. C’est en partie dû au fait que je m’inspire
de la mythologie qui aborde souvent ce thème, mais également au
fait que c’est un thème qui me touche personnellement.
Et justement, es-tu père ?
Oui, j’ai deux adorables enfants, Alexandre (3 ans) et Quentin (6 ans).
Ce sont d’ailleurs eux qui m’ont inspiré mon pseudo. Alcante
vient de la contraction de AL(exandre) et QUENT(in). Ce n’est sûrement
pas un hasard d’ailleurs si j’ai commencé à écrire
le tome 1 quand j’étais un jeune papa. Pour la petite histoire,
on voit mes deux enfants juste sur une case dans une des dernières planches
du tome 1. Ce tome est d’ailleurs très « familial » vu
que l’assistante du Président est inspirée de ma femme, et
que la grand-mère pirate informatique est inspirée de ma propre
grand-mère. Veux-tu
apporter à tes lecteurs un message de sensibilisation avec tes albums,
au vu des thèmes qui touchent le clonage, le cyber sexe, le dopage ou la
vache folle ? Oui et non, pas vraiment. J’essaie surtout
d’écrire des histoires intéressantes et/ou passionnantes,
mais pas de faire un cours de morale. Ceci dit, ma vision des choses transperce
sûrement et il est clair que, dans le tome 3 par exemple, je donne mon point
de vue.
On me demande beaucoup [les emails de nos lecteurs]
quel est mon titre préféré. Pour ma part, je leur conseille
"L'Orgueil" qui m'a le plus touché personnellement et m'a accroché
aux tripes à la limite de la larme. Je comprends tout à fait la
décision du président. Et par contre, je leur avoue que "La
Luxure" est le moins bien pour l'instant, que "La Gourmandise"
a un scénario inégalable et très cinématographique
et je ne parle même pas de la chute de "La Paresse", un monument
dans le genre ! Petite question: quel est pour le moment le scénario dont
tu penses qu'il est le mieux écrit ? C’est une question
difficile. C’est un peu comme si vous me demandiez si je préfère
un de mes enfants aux autres ! Je les aime tous mais pour des raisons différentes.
Ils ont chacun leurs défauts et, je l'espère, leurs qualités,
en tous cas chacun leur « personnalité », encore davantage
marquée par le fait que c’est chaque fois un dessinateur différent
qui les illustre. Je peux préférer un album pour l’histoire,
le deuxième pour le découpage, un troisième parce que j’estime
que j’ai mieux réussi le personnage principal, un autre parce que
je trouve que la fin est vraiment bien etc. Bref, pour l’histoire, je ne
me prononce pas ;-). Quant aux dessins, vous verrez que chaque dessinateur a sa
patte et convient très bien à l’histoire qu’il illustre... |  |
L'autre côté intéressant
de la série et de proposer 8 tomes et sept dessinateurs. Pourquoi ne pas
avoir fait appel à un seul dessinateur ? Et surtout, comment s'est fait
le choix artistique des dessinateurs et coloristes ? Comme j’étais
vraiment le gars sorti de nulle part – à savoir que Dupuis a accepté
mon projet de 8 albums moins d’un an après avoir accepté mes
premières histoires courtes – je ne connaissais pas vraiment de dessinateurs,
en tous cas pas de dessinateurs réalistes, ce qu’il fallait pour
« Pandora Box ». Le directeur éditorial m’a donc demandé
de lui faire une liste « idéale » de dessinateurs que je verrais
bien pour la série, ce que j’ai fait. Mais ma liste était
aussi « utopique » dans le sens où les dessinateurs que je
citais ont déjà énormément de succès et n’auraient
donc pas été libres avant de nombreuses années (et n’auraient
de toutes façons pas forcément eu envie de faire un album avec un
« débutant »). Mais ma liste a permis à l’éditeur
d’avoir une idée plus précise du style de dessin que je voulais.
Le Directeur de Collection m’a donc proposé d’autres
noms « plus accessibles » en me demandant mon avis. La grosse majorité
des noms cités me convenaient (enfin, leur travail), l’éditeur
les a donc contacté et leur a envoyé le dossier de présentation
ainsi que le premier scénario qui était à ce moment là
entièrement découpé. En général tous ceux à
qui on a proposé le projet l’ont apprécié et ceux qui
l’ont décliné l’ont fait plutôt pour des raisons
de planning, bref il a été plutôt bien accueilli et l’équipe
s’est formée relativement rapidement (mais dans le « désordre
» : le premier dessinateur ayant signé étant en effet celui
qui va réaliser le 6ème tome et ainsi de suite). Finalement
7 dessinateurs vont donc se partager 8 albums, le premier et le dernier album
étant illustrés par le même dessinateur. Pour la petite histoire,
le plus jeune est né en 1973, le plus âgé en 1956 ; il y a
quatre français, deux belges et un serbe. Allez hop, je les cite : Didier
Pagot (qui a fait FIDES aux Humanoïdes Associés), Vujadin Radovanovic
(dont c’est le premier album), Steven Dupré (COMA chez Glénat),
Roland Pignault (ARCANES chez Delcourt), Erik Juszezak (OKI chez Glénat),
Alain Henriet (JOHN DOE et GOLDEN CUP chez Delcourt) et Sébastien Damour
(NASH chez Delcourt). Tous ceux là font vraiment du beau boulot, comme
d’ailleurs les deux coloristes Araldi (T1 et T8) et Usagi (tous les autres
tomes). Je ne peux vraiment pas me plaindre !.
Pourquoi plusieurs dessinateurs
plutôt qu’un seul ? Je pense que c’est une solution
qui arrange tout le monde : l’éditeur (et moi) parce qu’on
va pouvoir sortir tous les albums beaucoup plus vite, et les dessinateurs parce
qu’ils peuvent faire autre chose que leur série principale sans pour
autant s’engager sur une longue période avec un gars qui débute
dans le métier et qui a donc tout à prouver. Mais le concept de
la série se prêtait très bien au fait de travailler avec plusieurs
dessinateurs vu que chaque histoire est indépendante des autres et qu’il
n’y a pas un héros récurrent.
Le dernier maux à sortir
de la "Boite De Pandore" est l'Espérance, à quoi va t-on
s'attendre pour ce dernier tome ? Et toi, si tu avais la possibilité d'espérer
et de rendre ce voeux viable, que ferais-tu ? Dans ce dernier tome,
on retrouvera le bébé du premier mais environ 20 ans plus tard.
Il symbolise les excès de la technologie vu qu’il a été
créé artificiellement sans amour etc mais c’est un être
humain et comme tout être humain il a des qualités et des défauts,
et doit vivre avec lui-même et en société. Dans le dernier
album il va se retrouver dans des conditions extrêmes (des inondations monstrueuses)
et en plus devoir affronter un journaliste qui a découvert sa véritable
identité (que lui-même ignorait encore…) et menace de la révéler,
le transformant ainsi en bête curieuse (le premier clone de l’humanité,
et clone d’un ancien président US en plus !)… On retrouvera
aussi la vieille mendiante qui émet des prophéties… Elle
a toujours eu raison jusqu’à présent, laissant percer l’idée
que tout est écrit à l’avance et que l’homme n’est
pas maître de son destin… C’est une idée très
sombre, peut-être que dans « l’Espérance » elle
sera battue en brèche… ? Je vous laisse découvrir.
Quant à ma propre vision de l’Espérance… ? Gloups…
! Je pense que chacun peut contribuer, même si c’est de manière
infime, à améliorer la société. Je pense aussi que
tout être vaut mieux que le pire acte qu’il commet… et que
tout être peut s’améliorer… C’est beau non ;-)
? Mais pour moi, une des raisons d’espérer se retrouve dans les 3
dernières cases du tome 8… Héhé, suspens suspens ;-).
Il y a eu une bonne communication
autour de "Pandora Box", maintenant avec le recul, as-tu fais quelques
cauchemars [oui, on est un peu sadique chez undersociety, sisi !!] dans le genre:
les deux premiers tomes dans les rayons et de rêver qu'ils passent inaperçus
? Non, pas vraiment. Pour moi, le simple fait d’avoir mes
deux premiers albums était déjà un rêve qui se réalisait.
Tiens à ce sujet, les
deux premiers tomes sont sortit en même temps, les deux autres aussi. Personnellement
je trouve l'idée intéressante [ quand ma femme lit une BD, elle
me demande quand le prochain tome sort; quand je lui dit que le dessinateur met
un an pour faire une BD, ça l'énerve d'attendre aussi longtemps],
pourquoi avoir choisi d'opérer de cette façon ? C’est
l’éditeur qui a choisi de les sortir deux par deux plutôt qu’un
par un, mais j’ignore la raison. Je pense que c’est très pragmatique
: deux albums prennent plus de place dans les rayons et sont donc plus «
visibles ».
J'aimerais avoir ton avis sur
une chose sans importance, mais qui a fait scandale dans le milieu de la BD. Ca
disait que c'était dégueulasse de voir Adeline Blondiau signer un
contrat en cinq minutes, alors que d'autres scénaristes rament pour décrocher
un entretien ! As-tu eu vent de cette rumeur ?... J’ai dû
aller voir sur Internet qui est cette Adeline Blondiau (ou Blondieau ?) et ce
qu’elle avait fait car je ne connaissais pas du tout. Je n’ai pas
lu l’album et ne peut donc pas du tout juger ce cas précis. Mais
de manière générale, personnellement je considère
que n’importe qui (çàd tout le monde) peut écrire quelque
chose et aller le présenter à un éditeur. Que l’on
soit connu ou non ne change rien à ce droit et à cette envie là.
Du point de vue de l’éditeur, je trouve que le seul critère
doit être la qualité de l’œuvre. Soit c’est bon
et on prend, soit ce n’est pas bon et on ne prend pas. Si un éditeur
prend une BD uniquement sur le nom de la personne et parce qu’il espère
faire une bonne opération commerciale alors qu’il trouvant que la
BD en question est nulle, c’est clair que cette démarche est critiquable.
Mais je ne pense pas que ça arrive très souvent, honnêtement.
Et si la BD est vraiment nulle, elle ne marchera de toutes façons pas selon
moi. Une star peut écrire une bouse comme elle peut écrire un chef
d’œuvre, tant qu’on ne lit pas ce qu’elle a fait, on ne
le sait pas. Et je pense qu’il faut laisser tomber les a priori sur les
auteurs. S’il y a bien quelque chose qui m’énerve c’est
les critiques des gens qui ne lisent même pas le bouquin, simplement parce
que l’auteur est untel ou untel… Je prends un exemple : imaginons
que Van Hamme écrive une splendide histoire d’amour très intimiste,
hé bien je pense qu’il ferait à ce moment là mieux
de prendre un pseudonyme car certaines personnes ne pourront jamais accepter que
l’histoire est belle simplement parce qu’ils n’aiment pas Van
Hamme et qu’ils l’ont catalogué définitivement «
auteur commercial », ce qui selon moi ne veut rien dire. C’est triste
mais c’est comme ça. Jugez une histoire sur le plaisir qu’elle
vous apporte, pas sur le nom de son créateur !.
En tant que scénariste et maintenant bien
impliqué dans le milieu professionnel, comment vois-tu l'avenir de la BD
actuelle ? Je pense que la BD va s’internationaliser de plus
en plus, et qu’après les mangas et les comics on va voir arriver
des BD de tous les pays car je suis certain qu’on fait de la BD de qualité
un peu partout dans le monde. Et personnellement je suis favorable à ça,
le brassage des cultures etc...
Par exemple, personnellement, je trouve qu'on
édite en France beaucoup de mangas, mais à l'inverse, une BD Européenne
comme "Pandora Box" sera jamais édité au Japon, restant
une livre d'art à leurs yeux ? Le phénomène
Manga est assez fascinant. Comment se fait-il que ces BD qui ont quand même
un fameux « handicap » vu qu’elles se lisent dans un sens de
lecture inhabituel pour nous, comment se fait-il qu’elles cartonnent ? Et
pourquoi l’inverse n’est-il pas vrai ? Pourquoi nos BD franco belges
ne cartonnent pas au Japon ? Pourtant la qualité y est aussi… Je
n’ai pas de réponse, mais je me demande parfois si ce n’est
pas parce que les mangas et comics abordent simplement des thèmes plus
universels ? Pandora Box au Japon ? J’ai un copain japonais,
je lui ai envoyé les albums en disant que s’il connaissait un éditeur
de mangas prêt à en tirer 10 millions j’étais partant.
Il m’a répondu « Inch Allah » (si Dieu le veut, en arabe
car il est historien spécialisé dans l’islam ;-)).
Je vois par contre beaucoup de titres français
se voir adapté aux Etats-Unis, auront-ils la chance un jour de voir ta
série paraître chez eux ? Aucune idée…
Peu de chances a priori… Mais « Inch Allah »
Avec autant d'émotions [pour le tome 1]
et un rythme qui n'est pas sans rappeler le cinéma des thrillers US, verrais-tu
un jour la série "Pandora Box" adaptée au cinéma
? Mon rêve est d’un jour écrire un scénario
de film, donc ce serait bien ! Beaucoup de gens m’ont spontanément
dit qu’ils verraient bien le premier tome adapté au cinéma
et c’est à mon sens celui qui a le plus de chance de l’être
un jour. Mais je suis réaliste et je sais très bien que si c’est
difficile de percer en BD, c’est encore bien plus dur au cinéma.
En tant que scénariste, lis-tu beaucoup
de BD tout styles [européens, mangas ou comics] ou préfères-tu
te limiter pour ne pas être influencé ? Non, non au
contraire, je pense qu’il faut lire le plus possible, et le plus diversifié
possible !. Quels
étaient tes albums préférés pour 2004 en matière
de BD, de livres, de films et de CD's ? - en BD : « say hello
to black jack » (tomes 3 et 4, deux chefs d’œuvre pour moi !)
- livre : le dernier livre que j’ai vraiment bien aimé c’était
« les piliers de la terre » de Ken Follett, mais il date déjà
d’il y a quelques années… - films : Lost in Translation
et Old Boy. De
manière générale, connaissais-tu notre site ?
Honnêtement, non. Mais depuis que j’ai lu les excellentes critiques
que vous faites des albums de Pandora Box, je sens que je vais y revenir souvent
;-). Un
dernier petit mot pour terminer cet entretien ? Elle était
longue cette interview hein !? ;-) Merci.
Philippe Duarte Photos
+ dessins: Eric Bony et Pagot |  |